Newsletter septembre 2022
Editée par Bohnet F., Eggler M. et Varin S., avec la participation de Fiechter J.-R.
Avec le soutien de La chambre des avocats spécialistes FSA en droit de la construction et de l'immobilier
Editée par Bohnet F., Eggler M. et Varin S., avec la participation de Fiechter J.-R.
2e édition 2022
1050 pages, relié
CHF 268.– (+2,5% TVA)
ISBN 978-2-9701616-0-8
Parution fin septembre 2022
Vous pouvez le commander en cliquant ici.
Contrat d’entreprise; travaux en régie; maxime des débats; exigibilité du prix; art. 363 C0; 55 CPC; 155 ss et 164 Norme SIA
Maximes des débats (art. 55 CPC) – Charge de l’allégation et de la contestation ; renvoi à une pièce : Rappel des principes (consid. 3).
La partie qui produit des certificats de métrés, qui contiennent les indications détaillées concernant les différents postes de la créance, ainsi que les plans des différents étages et y renvoie dans son mémoire accomplit sa charge de l’allégation avec satisfaction ; le renvoi aux annexes semble même judicieux dans de telles circonstances, dans l’intérêt de la lisibilité de l’acte (consid. 4.3.1 et 4.3.2).
Dans un tel cas, il n’est pas critiquable que l’instance précédente soit partie d’un état de fait établi et n’ait pas administré de preuves en ce qui concerne les créances que la recourante n’a contestées que de manière globale (consid. 4.3.3). Il en est de même des calculs et de la traçabilité des prétentions de la recourante : la simple contestation en bloc affirmant que ces calculs sont incompréhensibles est insuffisante (consid. 4.3.4).
Principes applicables aux travaux en régie – Les travaux en régie sont des travaux qui sont rémunérés en fonction du temps qui leur est consacré et qui ne sont pas couverts par un prix forfaitaire ou une rémunération selon le métré ou les prix unitaires. Nonobstant cela, ils font partie du contrat d’entreprise et sont donc couverts par l’obligation fondamentale de rémunération (art. 363 CO). Selon les usages de la branche, l’entrepreneur établit pour les différents travaux en régie des rapports temporels qu’il soumet au maître d’ouvrage pour contre-signature et qui, une fois contresignés, constituent une présomption de fait pour les dépenses qui y sont mentionnées. Toutefois, le rapport de régie non signé ne supprime pas l’obligation de rémunération du mandant, mais alourdit exclusivement le fardeau de la preuve de l’entrepreneur. Dans le cas contraire, l’obligation de rémunération pour les travaux en régie en tant que telle serait laissée à l’arbitraire du maître, selon qu’il est prêt ou non à signer les rapports. Une clause contractuelle qui prévoirait un tel mécanisme devrait par conséquent être considérée comme contraire aux mœurs et donc nulle (art. 19-20 CO) (consid. 5.1).
Forme des rapports de régie – Lorsque le contrat d’entreprise réserve la forme écrite pour le travail en régie mais que, contrairement à ce que prévoyait le contrat, ces travaux n’ont pas fait l’objet d’une commande écrite et que le maître ou son représentant a néanmoins signé la plupart des rapports presque sans réserve, il faut retenir que le maître a renoncé implicitement au respect de la forme écrite, qui plus est lorsqu’il n’existe aucun indice d’une volonté de sa part de maintenir la réserve de la forme écrite (consid. 5.3 et 6.4).
Présomption d’exactitude des rapports de régie – Lorsqu’un rapport de régie est signé par le maître, il existe une présomption naturelle concernant l’exactitude du contenu du rapport, dès lors qu’il lui incombe d’en vérifier l’exactitude lors de leur signature. Le maître ne peut plus remettre en question la nécessité de faire intervenir un spécialiste (plâtrier, etc.), lorsqu’il a signé sans réserve le rapport de régie pour son intervention. La même présomption existe également, lorsque des rapports de régie sont remis au maître tardivement, après le délai prévu par le contrat, mais que celui-ci ratifie les travaux en régie en apposant sa signature. Sous l’angle du fardeau de l’allégation, un exposé dans les grandes lignes des travaux en régie suffit, à tout le moins jusqu’au renversement de la présomption d’exactitude des rapports de régie (consid. 6.2 et 6.4).
En outre, la présomption d’exactitude existe également pour des rapports que le maître n’a pas signé mais qu’il a payé et mentionné dans son propre décompte final ; il faut alors admettre qu’il les a reconnus a posteriori (consid. 6.3.1 et 6.4). En outre, de simples réserves rédigées sur les rapports de régie ne suffisent pas non plus à elles seules à remettre en question la présomption d’exactitude des rapports qui ont été signés, à tout le moins quant au principe de l’exécution des travaux mentionnés dans ces rapports. Il faudrait au minimum que le maître donne des explications étayées sur les réserves figurant dans les rapports (consid. 6.3.2 et 6.4).
Exigibilité du solde du prix de l’ouvrage – Lorsque la norme SIA s’applique et que le maître renonce avec effet immédiat à l’exécution de la fin des travaux et les fait terminer par des tiers, cela entraîne le déclenchement du délai d’un mois pour demander l’examen commun de l’ouvrage (art. 158 al. 2 Norme SIA) et, faute d’un tel examen, la réception et l’acceptation de l’ouvrage (art. 164 al. 1 Norme SIA). En outre, après l’expiration du délai de garantie de deux ans, le maître ne peut plus se prévaloir de l’absence de garantie bancaire ou d’assurance pour faire obstacle à l’exigibilité du solde de la créance. Il en est de même de son refus de signer le décompte final (consid. 7).
Contrat de courtage; conclusion du contrat par actes concluants; représentation; art. 32, 33, 38 et 412 C0
Forme et conclusion d’un contrat de courtage – Sauf convention spéciale, la conclusion d’un contrat de courtage n’est soumise à aucune exigence de forme. Elle peut résulter de déclarations expresses des parties ou d’actes concluants. La question de savoir si un contrat de courtage a été valablement conclu par actes concluants dépend des circonstances, dont on doit pouvoir déduire que les parties se sont accordées sur les essentialia de ce contrat, en particulier sur le fait que le mandant s’est engagé envers le courtier à lui verser un salaire. Une retenue est de mise lorsqu’il s’agit d’admettre la conclusion d’un tel contrat par actes concluants. Le seul fait de laisser agir le courtier ne conduit pas nécessairement à admettre la conclusion d’un contrat par actes concluants. Il faut que le mandant tolère sciemment l’activité du courtier, sans s’y opposer, ou bien qu’il l’accepte tacitement par une autre forme. Il faut aussi que l’activité du courtier, par sa durée ou par son importance, soit suffisamment nette et caractérisée pour que l’absence d’opposition puisse être interprétée comme une volonté de conclure un contrat de courtage. L’interprétation de la volonté des parties se fait selon les principes généraux (consid. 5.1).
En l’occurrence, l’envoi d’un contrat écrit peu avant la vente constitue un indice que le contrat n’a pas été conclu par actes concluants auparavant (consid. 5.2). Il en est de même du fait que le courtier et la venderesse n’avaient jamais eu de contact direct avant le jour de la stipulation de la vente (consid. 5.3).
Représentation (art. 32 CO) – Rappel des principes (consid. 6.1).
Le courtier qui, pendant les dix mois de négociation, n’a jamais contacté la réelle propriétaire, ni pour clarifier la position d’une société servant d’intermédiaire, ni pour s’assurer pour elle-même un contrat de courtage, tout en admettant ne pas connaître la relation exacte entre la propriétaire et l’intermédiaire, ne peut en déduire que cet intermédiaire agit en tant que représentant, ayant la faculté de conclure un contrat de courtage au nom de la propriétaire, qui plus est lorsque l’intermédiaire n’a jamais manifesté la volonté de conclure un tel contrat (consid. 6.2 et 6.3.1).
En outre, la société servant d’intermédiaire n’ayant pas manifesté vouloir conclure un contrat de courtage entre la venderesse et la demanderesse, la question de l’application des art. 33 et 38 CO ne se pose tout simplement pas (consid. 6.3.2-6.3.4).
Administration anticipée des preuves – Dans le contexte susmentionné, l’instance précédente pouvait refuser le témoignage des représentants de l’acheteuse et du notaire censés apporter la preuve de l’existence d’un contrat oral (consid. 7).
Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; degré de la preuve et maxime des débats; art. 837 ss et 961 al. 3 CC; 55 CPC; 98 LTF
Recevabilité du recours au TF – Les décisions en lien avec l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF, de sorte que la recourante ne peut donc se plaindre devant le Tribunal fédéral que de la violation de droits constitutionnels (consid. 2).
Caractère vraisemblable de la légitimité de l’artisan – Le tribunal autorise l’annotation de l’inscription provisoire de l’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs après que le demandeur a rendu sa légitimité vraisemblable. La vraisemblance exigée par l’art. 961 al. 3 CC est soumise à des exigences moins strictes que celles qui correspondent habituellement à ce degré de preuve. En raison des intérêts particuliers en jeu, l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs ne peut être refusée que si l’existence du droit de gage apparaît comme exclue ou hautement improbable ; en cas de doute, lorsque la situation juridique est peu claire ou incertaine, l’inscription provisoire doit être autorisée et la décision laissée au juge ordinaire (consid. 3.1). Maxime des débats – Rappel des principes (consid. 3.1).
En l’espèce, la recourante n’a pas expliqué en quoi consistait l’unité fonctionnelle du contrat d’entreprise initial et un avenant sur lesquels elle se fonde pour le calcul du délai pour l’inscription de l’hypothèque légale et qui a donné lieu à la construction d’un balcon postérieurement. Pour le surplus, le Tribunal fédéral retient également que la créance que tente de faire valoir la recourante n’a pas été suffisamment alléguée, en tant qu’elle s’est contentée d’un renvoi à des factures qui ne sont pas explicites (consid. 3.4.2).
Articulation entre le degré de la preuve et la maxime des débats – Les exigences relatives à la vraisemblance au sens de l’art. 961 al. 3 CC et les exigences relatives à l’allégation et à la matérialisation des faits ne doivent pas être assimilées. Ces dernières ne sont pas réduites en procédure sommaire. La mesure de la preuve est une règle qui s’adresse en premier lieu au tribunal. C’est le critère selon lequel le tribunal évalue si un fait juridiquement pertinent doit être considéré comme vrai sur la base des moyens de preuve offerts à cet effet. Même s’il se contente d’une simple vraisemblance, le tribunal doit d’abord pouvoir se procurer la certitude des faits sur lesquels il doit administrer des preuves. C’est aux parties qu’il incombe de mettre le tribunal dans cette situation, en tout cas sous l’empire de la maxime des débats. En alléguant les faits et en les rendant plus substantiels, elles ont en main la possibilité de faire considérer un fait déterminé comme litigieux et d’en faire ainsi l’objet de la preuve (art. 150 CPC). Si une partie ne parvient pas à étayer suffisamment un fait contesté, il n’est pas nécessaire d’administrer des preuves, car dans ce cas, les faits allégués par la partie adverse doivent être considérés comme admis (consid. 3.4.3).
Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; délai de péremption; art. 839 CC; 98 LTF
Recevabilité du recours au TF – Les décisions en lien avec l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF, de sorte que la recourante ne peut donc se plaindre devant le Tribunal fédéral que de la violation de droits constitutionnels (consid. 1).
Délai de péremption – Dans le délai de péremption de quatre mois, le droit de gage doit être inscrit au registre foncier, au moins provisoirement, au moyen d’une annotation (art. 839 al. 2 CC).
Aucune inscription n’a eu lieu avec la décision de première instance et, au moment du dépôt de l’appel, le délai de péremption était déjà écoulé et une inscription n’aurait ainsi plus pu avoir lieu, indépendamment de la question de la légitimité matérielle du droit de gage. Un éventuel dommage causé de manière illicite par cette situation pourrait, le cas échéant, faire l’objet d’une action en responsabilité de l’Etat (consid. 3).
Servitude; droit de passage; obligations accessoires; art. 730 CC; 20 CO
Obligation accessoire d’accomplir des actes en lien avec une servitude – Le contrat de servitude portant sur un droit de passage à pied, de circulation et de transit est valable, indépendamment de la question laissée ouverte par le Tribunal fédéral, de savoir si les obligations accessoires de la servitude, à savoir la consolidation et le revêtement du chemin, sur une largeur minimale de cinq mètres, pouvaient être attachées à la servitude au sens de l’art. 730 al. 2 CC. En effet, l’existence du droit de passage ne serait remise en question que si les parties contractantes avaient fait dépendre de manière objectivement reconnaissable la constitution de la servitude foncière de la réalisation effective du chemin par le propriétaire foncier grevé et si, selon la volonté présumée des parties contractantes (art. 20 al. 2 CO sur la nullité partielle), celles-ci auraient renoncé au droit de passage en l’absence de la clause portant sur la construction du chemin. Lorsque, comme en l’espèce, tel n’est pas le cas, seuls les effets réels des obligations accessoires de faire peuvent être remis en question (question laissée ouverte), mais pas leur validité contractuelle, ni le contrat de servitude dans son ensemble (consid. 3.4).
Servitude; libération judiciaire; art. 736-738 CC
Libération judiciaire pour perte d’intérêt (art. 736 CC) – Rappel des principes. La première condition d’application de l’article 736 CC est, selon le texte impératif de cette disposition, que des faits nouveaux soient survenus depuis que les parties impliquées dans la constitution de la servitude ont établi les droits et obligations réciproques des propriétaires du fonds dominant et du fonds servant. La perte de l’intérêt au sens de l’art. 736 al. 1 CC s’apprécie en fonction du principe de l’identité de la servitude. Selon ce principe, une servitude ne peut pas être maintenue dans un autre but que celui pour lequel elle a été constituée. La possibilité purement théorique d’une modification future des circonstances ne suffit pas à justifier le maintien de la servitude. Si le propriétaire du fonds grevé veut faire radier la servitude en justice sur la base de l’art. 736 al. 1 CC, il doit démontrer que la servitude a perdu toute utilité pour le fonds dominant (consid. 3.1).
Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes. Pour déterminer le contenu et l’étendue d’une servitude, l’art. 738 CC établit un ordre progressif. Le point de départ est l’inscription au registre foncier. Ce n’est que si le texte de l’inscription au registre foncier n’est pas clair qu’il est possible de recourir à la cause de l’acquisition dans le cadre de cette inscription (art. 738 al. 2 CC), c’est-à-dire à l’acte constitutif qui est conservé comme pièce justificative au bureau du registre foncier (art. 948 al. 2 CC). Les règles générales d’interprétation des contrats du droit des obligations s’appliquent en principe (art. 18 CO). Ces principes généraux d’interprétation s’appliquent sans réserve entre les parties contractantes initiales, mais dans les relations avec les tiers, ils ne s’appliquent qu’avec une restriction découlant de la foi publique du registre foncier (art. 973 CC), dont fait également partie le contrat de servitude. En effet, dans la mesure où les droits et obligations de tiers sont en cause, l’interprétation du titre d’acquisition est donc liée aux limites qui découlent de l’inscription, car le tiers de bonne foi est protégé dans sa confiance en l’exactitude de l’inscription. Dans le cadre de cette interprétation, le but de la servitude, lequel dépend des besoins du fonds dominant, revêt une importance déterminante (consid. 3.2).
En l’espèce, pour les tiers qui n’ont pas participé à la conclusion du contrat – c’est le cas des parties à la présente procédure – seul le but mentionné dans le contrat pour la constitution des servitudes, à savoir l’anticipation de l’adoption d’un nouveau plan d’affectation et l’obtention de la constructibilité des terrains peu de temps avant ce changement, en échange de l’assurance que les nouvelles constructions respecteraient la nouvelle planification, est déterminant. Par conséquent, des années après l’entrée en vigueur de la planification concernée, la servitude a perdu son intérêt et les parties recourantes ne prétendent pas que cet intérêt fût ravivé en raison de faits nouveaux, de sorte que le recours est rejeté (consid. 4 et 5).
Marchés publics; interdiction de la sous-traitance; publication des sanctions administratives; droit d’être entendu; publication prévue; art. 13, 27, 29 al. 2 et 36 Cst.
Droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) – La simple violation d’une exigence prévue dans l’avis de marché suffit pour permettre au pouvoir adjudicateur de prendre les sanctions administratives prévues par la loi. Les juridictions cantonales pouvaient ainsi, sans violer le droit d’être entendu de l’adjudicataire, renoncer à procéder à des investigations complémentaires sur les prétendus retards d’autres artisans (consid. 2.3), renoncer à examiner si le fait de recourir à une entreprise non autorisée pour l’élimination des déchets de chantier contenant de l’amiante avait effectivement mis en danger les travailleurs sur le chantier ou encore renoncer à donner à l’adjudicataire l’occasion de prouver que le démontage des fenêtres et leur stockage dans des seaux avaient été effectués selon les règles de l’art (consid. 2.4).
Gravité de la violation d’une règle de l’appel d’offre – En droit des marchés publics, s’agissant de la violation d’interdiction de la sous-traitance, ce n’est pas tant l’éventuelle acceptation tacite par le représentant du maître de l’ouvrage de la présence de travailleurs d’entreprises tierces sur le chantier ou une éventuelle autorisation a posteriori qui est déterminante, mais plutôt le non-respect des obligations d’annonce formelle, à la lumière des principes d'égalité de traitement de tous les soumissionnaires et de concurrence effective et loyale, ainsi que de la nécessité impérative d’assurer le respect par tous les soumissionnaires, y compris les sous-traitants, des règles de protection sociale et du travail. Cette omission, en plus de fausser le marché et de mettre en péril le contrôle de la qualité de l’exécution des travaux, n’a pas permis au pouvoir adjudicateur d'effectuer les vérifications nécessaires sur le respect par le sous-traitant des obligations légales et des documents d'appel d'offres, doit donc être considérée comme une violation grave (consid. 3.4).
Sanction violant la liberté économique (art. 27 et 36 Cst.) – Rappel des principes (consid. 4.2). La publication d’une sanction dans la Feuille officielle et sur le site internet de l’Office des travaux et marchés subventionnés ne viole pas la liberté économique. La publication d’une sanction peut avoir un effet dissuasif et préventif général, qui est parfois même plus fort que la sanction elle-même, dans la mesure où, comme en l’espèce, elle informe les mandants et les concurrents, et le public en général, des comportements répréhensibles de certains concurrents qui resteraient autrement inconnus (consid. 4).
Sanction violant la protection de la sphère privée (art. 13 et 36 Cst.) – Protection de la sphère privée, rappel des principes (consid. 5.2) ; la divulgation d’une sanction par le biais de la Feuille officielle et d’un site Internet entraîne une ingérence dans la garantie de protection de la sphère privée de l’adjudicataire, pour laquelle il convient donc d’examiner si les conditions de l’article 36 Cst. sont réunies (consid. 5.3.1). La publication des sanctions en matière de marchés publics repose sur une base légale formelle au Tessin et répond à un intérêt public (consid. 5.3.2).
S’agissant de la proportionnalité de la sanction, le Tribunal fédéral retient que la publication sur un site Internet est limitée à la période pendant laquelle l’exclusion de l’adjudicataire des marchés publics cantonaux est effective. Toutefois, la situation est très différente pour la publication dans la Feuille officielle. Bien que la durée de l’exclusion y soit également indiquée, la Feuille officielle reste disponible dans les archives sur le site du canton du Tessin et peut être librement consultée par toute personne, même plusieurs années plus tard, notamment suite à sa récente numérisation complète et à son inclusion dans la plateforme centrale gérée par la Confédération (www.amtsblattportal.ch). Dans ces conditions, il faut retenir qu’il existe un risque réel que les inconvénients et les conséquences irréparables de la publication aillent bien au-delà de l’absence de prise en compte de l’entreprise dans le cadre d’un marché public. Le risque réputationnel est alors encore plus élevé si l’on considère que faire connaître l’exclusion est non seulement nécessaire pour les donneurs d’ordre et les autorités de surveillance et de contrôle, mais aussi pour les soumissionnaires eux-mêmes pour leur évaluation préalable en matière de consortiums et de sous-traitance. Par conséquent, les intérêts de l’adjudicataire quant à la protection de sa réputation l’emportent sur l’intérêt poursuivi par la publication de la sanction dans la Feuille officielle, de sorte que celle-ci n’est pas proportionnelle et doit être annulée (consid. 5.3.3 et 5.3.5).