Newsletter octobre 2023
Editée par Bohnet F., Eggler M. et Varin S., avec la participation de Wermelinger A.
Avec le soutien de La chambre des avocats spécialistes FSA en droit de la construction et de l'immobilier
Editée par Bohnet F., Eggler M. et Varin S., avec la participation de Wermelinger A.
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Propriété par étages; contestation des décisions de l’assemblée des propriétaires d’étages; répartition des charges communes et des frais de l’administration commune; modification du règlement de PPE; art. 75 et 712h, 712g, 712m CC
Contestation des décisions de l’assemblée des propriétaires d’étages (art. 712m et 75 CC) – Tout copropriétaire a le droit de contester devant le tribunal les décisions auxquelles il n’a pas consenti, dans le mois où il en a eu connaissance. L’action en contestation ne permet pas d’examiner l’opportunité et l’adéquation des décisions de l’assemblée des copropriétaires, mais seulement leur contrariété aux règles légales ou conventionnelles régissant la copropriété (consid. 2).
Répartition des charges communes et des frais de l’administration commune (art. 712h CC) – Rappel des principes. Règlement de PPE – Conformément à l’art. 712g al. 3 CC, chaque copropriétaire peut exiger qu’un règlement d’administration et d’utilisation, valable dès qu’il a été adopté par la majorité des copropriétaires représentant en outre plus de la moitié de la valeur des parts, soit établi et mentionné au registre foncier ; même si le règlement figure dans l’acte constitutif, il peut être modifié par décision de cette double majorité (consid. 3.1).
En l’espèce, les propriétaires d’étages avaient inscrit dans le règlement de PPE une règle de majorité des deux tiers pour les modifications du règlement, soit une règle plus restrictive que celle de l’art. 712g al. 3 CC qui prévoit la double majorité des copropriétaires et de la valeur des parts. Alors que le Tribunal fédéral avait toujours laissé la question ouverte (cf. consid. 3.4.1.1) et que la doctrine est partagée sur le sujet (cf. consid. 3.4.1.2), la Haute Cour parvient à la conclusion que la règle des deux tiers prévue par le règlement d’espèce est acceptable. Selon elle, toute règle dérogeant à la règle de majorité de l’art. 712g al. 3 CC doit répondre aux deux préoccupations suivantes : la majorité requise pour modifier un règlement de PPE doit, d’une part, permettre aux copropriétaires minoritaires de ne pas se voir imposer facilement une modification du règlement et, d’autre part, empêcher qu’un copropriétaire ou une minorité de copropriétaires exerce une influence telle qu’elle bloque toute modification et, partant, l’administration et le développement de l’ordre communautaire (consid. 3.4.1.2).
Contrat de vente; défaut de contenance de l’immeuble; qualité promise et qualité attendue; action en réduction du prix; art. 197 ss, 219 CO
Défaut de contenance de l’immeuble (art. 219 CO) – Si la surface de l’immeuble vendu est inférieure à celle indiquée dans le contrat de vente, parce que la surface inexacte résulte d’une procédure de mensuration officielle portée au registre foncier, le vendeur n’est tenu à garantie que s’il s’y est expressément obligé (art. 219 al. 2 CO). Si l’inexactitude concerne un immeuble qui n’a pas fait l’objet d’une mensuration officielle portée au registre foncier, le vendeur est responsable du défaut de contenance. Les autres défauts, comme celui portant sur le volume d’un bâtiment, sont soumis au régime ordinaire (art. 197 ss CO). Selon la jurisprudence, l’art. 219 CO ne s’applique pas à la vente d’une part de copropriété par étages, car les acheteurs acquièrent une part de copropriété et non un objet délimité par une mensuration officielle indiquée au registre foncier. Le défaut de surface par rapport aux plans utilisés dans les pourparlers contractuels est soumis au régime ordinaire (consid. 3.1).
Défaut, qualité promise et qualité attendue de la chose vendue – Rappel des principes (consid. 4). Les surfaces indiquées dans les plans utilisés lors des pourparlers contractuels précédant la conclusion du contrat de vente d’une part d’étage sont des qualités promises ; l’acheteur peut en principe s’y fier, sans avoir à vérifier leur exactitude avant de conclure le contrat (consid. 4.1.1.1).
Action en réduction du prix – Rappel des principes (consid. 4.1.2). Selon la méthode relative applicable, le prix réduit est égal au prix convenu multiplié par la proportion existante entre la valeur objective de la chose avec défaut et la valeur de la chose sans défaut (consid. 4.1.2.1). Pour faciliter le calcul, la jurisprudence a admis une présomption selon laquelle la valeur objective de la chose sans défaut est présumée égale au prix convenu par les parties. Ainsi, si cette présomption n’est pas renversée, la réduction du prix est simplement égale à la moins-value (consid. 4.1.2.2).
En l’espèce, l’habitabilité d’une surface de 66.5 m2 d’une mezzanine était une qualité promise et attendue de la chose. En effet, cette surface figurait comme telle dans la documentation de la venderesse. Le fait que le prix de vente était inférieur au prix du marché n’exclut pas l’existence d’un défaut. Le prix pouvait également dépendre de facteurs subjectifs, tels que la capacité de négociation des parties, l’état de nécessité du vendeur et les goûts de l’acheteur. En l’occurrence, aucun élément ne permettait à l’acheteur de déduire du prix de vente que la surface de 66.5m2 était inhabitable (consid. 4.2.2.3). Toutefois, le Tribunal fédéral revoit dans le cas d’espèce le calcul de la réduction du prix : l’instance précédente s’est arrêtée au calcul de la moins-value, sans procéder à une réduction en proportion de la moins-value. Pourtant, une expertise avait clairement démontré que la valeur objective du bien sans défaut dépassait largement le prix de vente, renversant ainsi la présomption (consid. 4.3.2).
Contrat de vente; devoir de vérification et avis des défauts; dol; art. 199, 201, 203 CO
Devoir de vérification et avis des défauts (art. 201 CO) – Rappel des principes (consid. 3.1). Lorsque l’autorité communale informe l’acheteur de manière claire que la réalisation de places de stationnement sera interdite, l’acheteur ne peut plus prétendre ignorer le défaut, même si aucune décision formelle n’est rendue (consid. 3.2 et 3.3).
Dol (art. 199 et 203 CO) – Le vendeur qui a induit l'acheteur en erreur intentionnellement ne peut se prévaloir du fait que l'avis des défauts n'aurait pas eu lieu en temps utile (consid. 4.1). En outre, toute clause qui supprime ou restreint la garantie est nulle si le vendeur a frauduleusement dissimulé à l’acheteur les défauts de la chose (consid. 5.1). En l’espèce, le dol est nié. Le fait que les places de stationnement figuraient sur les plans mis à l’enquête publique mais plus sur les plans sanctionnés ne suffisent pas pour conclure que la venderesse ait été au courant que la réalisation de ces places serait impossible, qui plus est compte tenu de son état de santé mental déficient.
Contrat d’entreprise; intégration de la norme SIA-118; avis des défauts et norme SIA-118; art. 367, 370 CO; 839 CC; 172-173 Norme SIA-118
Intégration de la norme SIA-118 – Il n’est pas arbitraire de retenir, à l’issue d’une interprétation objective des volontés, que la norme SIA 118 a bien été intégrée dans le contrat d’entreprise, lorsque les parties l’ont expressément intégrée dans un contrat de fourniture de parquet, cette incorporation ayant, de manière reconnaissable, vocation à s’appliquer aux futures prestations relevant du contrat d’entreprise. Le fait que le contrat portant sur le parquet ne constitue pas un contrat d’entreprise auquel la Norme SIA-118 aurait pu s’appliquer, est un indice en ce sens (consid. 4.3 et 4.4).
Avis des défauts et norme SIA-118 – En dérogation du système légal plus strict (art. 367, 370 CO), les art. 172 et 173 al. 1 SIA-118 prévoient un délai de garantie de deux ans dès la réception de l’ouvrage, pendant lequel le maître peut faire valoir en tout temps les défauts, de quelque nature qu’ils soient (consid. 4.2 et 4.5). Des listes des défauts décrivant précisément les défauts soulevés et exprimant de façon claire que la prestation fournie n’est pas conforme au contrat, précisant pour le surplus que l’entrepreneur est tenu pour responsable, constituent des avis de défauts valables (consid. 4.7).
Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs – A compter du moment où le tribunal constate à bon escient que l’entrepreneur n’a aucune prétention pécuniaire à invoquer contre le maître du fait des travaux accomplis, l’action en inscription définitive ne peut être que rejetée. La cour précédente n’avait pas à le motiver expressément (consid. 6).
Contrat d’entreprise; motivation de l’appel; décompte final et délai de vérification dans la norme SIA-118; art. 311 CPC; 153 ss Norme SIA-118
Motivation de l’appel (art. 311 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.2).
Décompte final et délai de vérification (art. 153 ss norme SIA-118) – En l’espèce, la direction des travaux, représentante du maître, avait confirmé dans un avis de vérification au sens de l’art. 155 al. 1 norme SIA, lequel n’est soumis à aucune forme et est valable même sans signature, le montant impayé de CHF 62’270 contenu dans le décompte final de l’entrepreneur. Ce montant avait ainsi été reconnu par les deux parties et était par conséquent devenu exigible conformément à l’art. 155 de la norme SIA 118. En se bornant à prétendre que le décompte final n’a pas été signé par les deux parties, le maître ne satisfait pas aux exigences de la motivation en appel, puisqu’il n’attaque pas les considérations qui précèdent (consid. 3.4).
Expulsion; cas clair et expulsion d’un logement après une vente aux enchères forcées; art. 26 Cst.; 257 CPC; 95 LP
Cas clair (art. 257 CPC) et expulsion d’un logement après une vente aux enchère forcée – Dès lors que la procédure de cas clair est possible pour les expulsions de locataires, elle l’est a fortiori pour les expulsions par les nouveaux propriétaires, après une vente aux enchères forcée, lorsque les anciens propriétaires restent dans le logement. En l’occurrence, aucun élément de fait n’était contesté et les griefs relatifs au droit de la saisie, en particulier à l’ordre de saisie de l’art. 95 LP ne sont plus recevables dans la procédure d’expulsion (consid. 3). Les dispositions du droit du bail ne peuvent pas être appliquées par analogie à la présente constellation (consid. 2.4). Par ailleurs, n’étant plus propriétaires, les recourants ne peuvent a priori rien déduire de la garantie de la propriété et les autres droits fondamentaux invoqués ne peuvent pas déployer d’effet direct sur les tiers, dans une relation entre particuliers (consid. 2.3).
Propriété par étages; répartition des charges communes et des frais de l’administration commune; art. 712h CC
Répartition des charges communes et des frais de l’administration commune (art. 712h CC) – Les copropriétaires doivent contribuer aux charges communes et aux dépenses de l’administration commune proportionnellement à la valeur de leurs parts. Toutefois, en vertu de l’art. 712h al. 3 CC, s’il s’agit de parties du bâtiment, d’ouvrages ou d’installations qui ne servent pas ou peu à certains copropriétaires, il doit en être tenu compte dans la répartition des charges. L’application de l’art. 712h al. 3 CC, qui est de droit impératif, est restrictive ; elle présuppose que, objectivement et concrètement, l’ouvrage ou l’installation ne sert pas ou sert de manière minime un copropriétaire individuel, sans tenir compte de ses besoins subjectifs ou de sa renonciation volontaire à l’utilisation (consid. 3.1).
En l’espèce, la PPE comportait des appartements d’une part et, de l’autre, un hôtel et un restaurant sur une part représentant 330/1000. Les parties communes contiennent notamment un grand jardin et une piscine, qui ne sont toutefois pas accessibles aux clients du restaurant. Faute d’avoir prouvé que les équipements communs tels que le jardin, la piscine, la porte d’entrée et l’ascenseur ne desservaient pas, ou seulement de manière minime, l’ensemble de sa propriété par étage, par exemple parce que la composante hôtelière n’était pas pertinente par rapport à la composante exclusivement gastronomique, le propriétaire de l’hôtel et du restaurant ne peut exiger d’être exonéré des charges communes, même partiellement, sur la base de l’art. 712h al. 3 CC. Le fait que le règlement de PPE prévoyait des règles dans l’hypothèse dans laquelle l’hôtel et le restaurant seraient scindés en deux parts distinctes n’y change rien, la scission n’ayant pas eu lieu. De même, le fait que l’hôtel-restaurant ait obtenu, par le passé et pour une durée déterminée, une réduction des charges par voie de conciliation ne permet pas de retenir qu’il puisse y prétendre de manière définitive (consid. 3.4).
Droit foncier agricole; droit de réméré conventionnel; art. 41 al. 3 LDFR
Droit de réméré conventionnel (art. 41 al. 3 LDFR) – Le propriétaire d’une entreprise agricole peut l’aliéner à la condition que l’acquéreur l’exploite lui-même. Pour s’assurer que l’acquéreur respecte son engagement, les parties peuvent convenir d’un droit de réméré contractuel prévu à l’art. 41 al. 3 LDFR. Cette disposition, tout comme le droit de réméré légal de l’art. 55 LDFR, vise à protéger l’exploitation personnelle de l’acheteur. A l’inverse, le fait que le vendeur qui exerce le droit de réméré ne soit plus capable d’exploiter personnellement en raison de son âge ne constitue pas un abus de droit ; il n’est pas exigé qu’il reprenne l’exploitation personnelle. Après le décès du bénéficiaire du droit de réméré, c’est uniquement pour exercer seul le droit que l’héritier doit avoir le statut d’exploitant à titre personnel. Si ce n’est pas le cas, les héritiers peuvent exercer le droit de réméré en commun, sans qu’il soit nécessaire qu’ils soient exploitants à titre personnel (consid. 5).
Poursuite pour dettes et faillite; poursuite en réalisation du gage; copoursuivis et codébiteurs solidaires; art. 17, 70, 85, 151 ss LP; 88 et 100 ORFI
Copoursuivis dans la poursuite en réalisation du gage (art. 151 ss LP) – Dans le cadre d’une poursuite en réalisation du gage, l’art. 153 al. 2 LP prévoit la notification d’un exemplaire du commandement de payer non seulement au débiteur poursuivi, mais aussi au tiers qui a constitué le gage ou en est devenu propriétaire et au conjoint ou au partenaire enregistré de celui-ci lorsque l’immeuble grevé est le logement de famille ou le logement commun. Cette notification fait acquérir à ces tiers la qualité de copoursuivis avec tous les droits qui en résultent, en particulier celui de faire opposition au commandement de payer, d’invoquer l’inexistence ou l’inexigibilité de la créance en poursuite, d’en contester le montant ou de se prévaloir de l’absence du droit de gage. L’exemplaire du commandement de payer n’est qu’un double de celui qui a été signifié au débiteur et il porte le même numéro, de sorte qu’il n’y a qu’une seule poursuite. La poursuite ne peut être continuée et la réalisation exécutée tant que les commandements de payer notifiés au poursuivi et au copoursuivi ne sont pas passés en force (consid. 5.2).
Codébiteurs solidaires (art. 70 al. 2 LP) – Lorsque des codébiteurs solidaires sont poursuivis simultanément, un commandement de payer doit être notifié à chacun d’eux. Les codébiteurs sont donc poursuivis non pas par une seule et même poursuite, mais par autant de poursuites distinctes qu’il y a de codébiteurs, et cela même lorsqu’il s’agit de poursuites en réalisation de gage et que le droit constitué en gage est le même à l’égard de tous les codébiteurs (art. 88 al. 1 et 4 ORFI). L’opposition faite par l’un des codébiteurs n’a d’effet qu’en ce qui le concerne et demeure sans influence sur les autres poursuites. Une poursuite peut être exercée contre chacun des débiteurs pour le montant total de la dette. La poursuite devra être annulée, conformément à l’art. 85 LP, lorsque le créancier aura été désintéressé par un codébiteur, soit par un paiement volontaire, soit par voie d’exécution forcée (consid. 5.2).
Le cas d’espèce porte sur deux procédures distinctes de poursuite en réalisation du gage, dirigées contre deux codébiteurs solidaires. Ainsi, la procédure de poursuite dirigée contre une codébitrice, alors au stade de la réalisation, pouvait se poursuivre et l’office pouvait procéder aux opérations tendant à la vente de l’immeuble, quand bien même le commandement de payer contre l’autre codébitrice n’était pas entré en force (consid. 5.3).
Marchés publics; recevabilité du recours au TF contre les décisions incidentes; préjudice irréparable; effet suspensif; accès au dossier; art. 83 et 93 LTF
Recevabilité contre les décisions incidentes (art. 93 LTF) – Rappel des principes (consid. 1.2). En principe, le retrait ou la non-attribution de l’effet suspensif dans la procédure d’adjudication entraîne un préjudice irréparable (consid. 1.3).
Dans la procédure d’adjudication d’espèce, l’autorité adjudicatrice entendait sélectionner trois soumissionnaires pour le contrat-cadre. Elle a adjugé le marché aux trois soumissionnaires ayant présenté les offres les mieux classées. Suite au recours d’un candidat non sélectionné puis de la réponse de l’autorité adjudicatrice, l’instance précédente a levé l’effet suspensif uniquement pour la signature des contrats-cadres relatifs avec les adjudicataires classés premier et deuxième. En ce qui concerne l’adjudicataire classée troisième, l’effet suspensif du recours restait cependant valable. Le Tribunal fédéral estime que cette décision n’était pas de nature à causer un préjudice irréparable au soumissionnaire non sélectionné. En effet, la recourante entre toujours en ligne de compte pour l’adjudication en tant que troisième soumissionnaire (consid. 1.3.2). De plus, si le recours devait finalement être admis, il faudrait tenir compte du fait que l’annulation de la décision d’adjudication déploie un effet indivisible pour tous les soumissionnaires participant à la procédure d’adjudication et que la réévaluation sur la base des critères d’adjudication éventuellement corrigés ne doit pas être limitée aux seules offres de l’adjudicataire 3 et du soumissionnaire non sélectionné (consid. 1.3.4).
Accès au dossier – La limitation de l’accès au dossier ne cause en principe pas de préjudice irréparable au sens de l’art. 93 LTF, car elle peut – comme le refus d’une demande de preuve ou tout autre refus du droit d’être entendu – être valablement critiquée lors du recours contre la décision finale. Il en va toutefois différemment dans le cas inverse, lorsqu’un recours est déposé contre l’octroi d’un accès au dossier jugé trop large par une partie, car il n’est pas possible de revenir sur un accès au dossier déjà accordé (consid. 1.4.1).