Newsletter décembre 2023
Editée par Bohnet F., Eggler M. et Varin S., avec la participation de Rüttimann P.
Avec le soutien de La chambre des avocats spécialistes FSA en droit de la construction et de l'immobilier
Editée par Bohnet F., Eggler M. et Varin S., avec la participation de Rüttimann P.
Cliquez ici pour en savoir davantage sur la revue.
François Bohnet
2e édition 2022
1050 pages, relié
ISBN 978-2-9701616-0-8
Au prix spécial de CHF 180.- pour les abonnés de la newsletter immodroit.ch (au lieu de CHF 268.-), en utilisant le code "immo".
Vous pouvez le commander en cliquant ici.
Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; délai pour l’inscription d’une hypothèque légale; achèvement des travaux; art. 839 al. 2 CC
Délai pour l’inscription d’une hypothèque légale (art. 839 al. 2 CC) – L’inscription doit être obtenue, à savoir opérée au registre foncier, au plus tard dans les quatre mois qui suivent l’achèvement des travaux. Il s’agit d’un délai de péremption qui ne peut être ni suspendu ni interrompu, mais il peut être sauvegardé par l’annotation d’une inscription provisoire (consid. 4.1.1).
Achèvement des travaux – Il y a achèvement des travaux quand tous les travaux qui constituent l’objet du contrat d’entreprise ont été exécutés et que l’ouvrage est livrable. Ne sont considérés comme travaux d’achèvement que ceux qui doivent être exécutés en vertu du contrat d’entreprise et du descriptif, non les prestations commandées en surplus sans qu’on puisse les considérer comme entrant dans le cadre élargi du contrat. Des travaux de peu d’importance ou accessoires, différés intentionnellement par l’artisan ou l’entrepreneur, ou bien encore des retouches (remplacement de parties livrées mais défectueuses, correction de quelque autre défaut) ne constituent pas des travaux d’achèvement. Des travaux nécessaires, notamment pour des raisons de sécurité, même de peu d’importance, constituent donc des travaux d’achèvement. Les travaux sont ainsi jugés selon un point de vue qualitatif plutôt que quantitatif. Le délai commence à courir dès l’achèvement des travaux, et non pas dès l’établissement de la facture, même si cet élément peut constituer un indice de la fin des travaux (consid. 4.1.1).
En l’espèce, les travaux relatifs à l’hivernage d’une piscine ne constituent pas des travaux nécessaires, notamment pour des raisons de sécurité, mais des travaux différés volontairement en raison de la saison. Les autres interventions alléguées par l’entrepreneur correspondent soit à des travaux de réfection, soit à des travaux volontairement différés par l’entrepreneur (consid. 4.3).
Avocat spécialiste FSA droit de la construction et de l’immobilier, M.B.L.-HSG, LL.M., Mangeat Avocats Sàrl
Contrat de vente; cas clair; promesse de vente; art. 257 CPC
Procédure de cas clair (art. 257 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.2). En l’espèce, les parties ont conclu une promesse de vente portant sur un immeuble ; plusieurs acomptes sur la vente ont été versés. Puisqu’il est admis que c’est en raison de la décision de la venderesse de ne plus vendre que le contrat de vente n’a finalement pas été conclu, l’acheteur était fondé à réclamer le remboursement d’un acompte par la procédure de cas clair.
Contrat d’entreprise; prise des métrés; norme SIA 118; fardeau de l’allégation; art. 18 CO; 55 CPC; 142, 154 Norme SIA 118
Prise des métrés – Le contrat prévoit que les métrés devront être effectués en commun avec le maître ou par une entreprise tierce, à l’aide d’un programme informatique et devront être contrôlables et compréhensibles. Dans ce contexte, les métrés effectués par l’entrepreneur seul ne sont pas conformes au contrat et le fait qu’il les envoie au maître pour vérification ne leur confère aucune valeur. Le maître pouvait légitimement comprendre ces envois comme un simple moyen de vérifier l’avancement du chantier afin de respecter l’échelonnement des paiements et il n’était pas tenu de vérifier les métrés. Son silence ne vaut ni acceptation des métrés ni reconnaissance de dette, qui plus est alors que toute modification contractuelle était soumise à la forme écrite (consid. 3.2.3 et 3.4.1).
Norme SIA 118 – Bien qu’elle ait été intégrée au contrat, l’entrepreneur ne peut rien tirer des règles de la norme SIA 118 concernant les métrés et leur vérification, puisque le contrat prévoyait des règles spécifiques différentes (consid. 3.4.1 et 3.4.2).
Contrat d’entreprise; qualification d’un contrat de nettoyage des vitres et dommage; responsabilité contractuelle; devoir de diligence et de fidélité de l’entrepreneur; degré de la preuve; art. 97 ss, 101, 127, 363 ss, 368, 371 CO; 8 CC
Qualification d’un contrat de nettoyage des vitres et dommage – Les opérations de nettoyage de vitres, comme en l’occurrence de celles d’une villa en fin de chantier, relèvent du contrat d’entreprise (consid. 3). Les vitres qui sont rayées par l’entrepreneur ou ses auxiliaires lors de leur nettoyage ne sont pas un défaut de l’ouvrage, ni un dommage consécutif à un défaut, mais un dommage accessoire. Celui–ci découle de la violation d’une obligation accessoire de l’entrepreneur. En effet, à la fin de l’exécution du contrat d’entreprise portant sur le nettoyage des vitres, celles–ci étaient propres. Ce ne sont donc pas les droits à la garantie pour les défauts (art. 368 CO) qui entrent en jeu pour la réparation de ce dommage (lesquels sont soumis en particulier au devoir d’avis des défauts et au délai de prescription de l’art. 371 CO), mais les règles générales sur l’inexécution des obligations des art. 97 ss et 101 CO ainsi que la prescription de l’art. 127 CO (consid. 3.1.1).
Responsabilité contractuelle (art. 97 ss CO) – Rappel des principes (consid. 3.1.2). Devoir de diligence et de fidélité de l’entrepreneur (art. 364–365 CO) – Rappel des principes (consid. 3.1.3).
Degré de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 3.1.4). Pour que le juge puisse admettre que l’entrepreneur a violé son devoir de diligence en ce sens qu’il n’a pas usé avec le soin voulu des vitrages mis à sa disposition par le maître de l’ouvrage, il incombe à celui–ci de prouver que les vitres n’étaient pas rayées avant le début du nettoyage effectué par l’entrepreneur et qu’elles l’étaient sitôt après ce nettoyage. Cette preuve n’étant pas, par la nature du fait à établir, objectivement impossible à apporter, le Tribunal ne peut pas admettre un état de nécessité en matière de preuve et une réduction du degré de la preuve à la vraisemblance prépondérante (consid. 3.2). En l’espèce, par substitution de motifs, le TF constate que la preuve que l’entrepreneur a violé son obligation contractuelle accessoire de prendre soin de la matière fournie par le maître a bien été apportée (consid. 4).
Contrat d’entreprise; acceptation tacite du transfert du contrat d’entreprise; art. 363 ss CO
Acceptation tacite du transfert du contrat d’entreprise – Le maître d’ouvrage ne peut plus contester la reprise du contrat d’entreprise alors qu’il n’a pas réagi lorsque l’entrepreneur initial a annoncé qu’une entreprise tierce « reprenait désormais les activités d’exploitation de [l’entrepreneur initial] » et qu’il a laissé se poursuivre les travaux par le repreneur. Il apparaît en outre qu’à réception de la facture finale, le maître a contesté le montant des travaux et non la qualité de l’auteur, ce qui démontre qu’il avait accepté la reprise du contrat de manière tacite (consid. 2.1 et 2.2).
Contrat d’entreprise; prix de l’ouvrage; art. 373-374 CO
Prix de l’ouvrage – Si le prix de l’ouvrage a été déterminé précisément à l’avance, l’entrepreneur est tenu, sous réserve de circonstances exceptionnelles, d’achever l’ouvrage pour cette somme (art. 373 CO). Si le prix n’a pas été déterminé à l’avance ou s’il a été fixé approximativement, il est fixé en fonction de la valeur du travail et des dépenses de l’entrepreneur (art. 374 CO). Dans ces circonstances, la rémunération de l’entrepreneur correspond aux dépenses objectivement nécessaires pour un travail soigné. Les dépenses invoquées doivent donc être présentées de manière à ce que leur nécessité et leur adéquation puissent être vérifiées. Cela présuppose des indications compréhensibles sur les travaux effectués et les heures de travail consacrées à ces travaux. Il ne suffit pas de dresser des tableaux indiquant quels collaborateurs ont travaillé à quelle date et pendant combien d’heures. Des indications inexistantes ou se limitant à des mots clés ou à des descriptions vagues et incompréhensibles ne satisfont pas aux exigences (consid. 3.1.1).
En l’espèce, le contrat portait sur la construction d’un laboratoire de nanotechnologie clé en main. Des factures de sous-traitants restaient impayées pour un montant d’un peu moins de CHF 4 millions. Or, en présence d’un contrat prévoyant un système de décompte ouvert, il ne suffit pas d’apporter la preuve que les factures des sous-traitants ont été générées pour la construction de l’ouvrage et qu’elles ont été entièrement payées. En l’absence de prix fixe ou maximal, l’entrepreneur ne peut pas se prévaloir du fait qu’il a respecté l’objectif de coûts. Il doit dans tous les cas démontrer quelles prestations concrètes ont été fournies par les sous-traitants concernés et si celles-ci étaient nécessaires et les prix appropriés (consid. 3.3).
Contrat d’architecte; établissement de plans de construction; prix de l’ouvrage; intégration de la norme SIA 118; art. 374 CO; norme SIA 118
Etablissement de plans de construction – L’établissement de plans est en principe soumis aux règles du contrat d’entreprise (consid. 5.1.1).
Prix de l’ouvrage – Si la rémunération n’a pas été fixée à l’avance, elle doit être déterminée selon l’art. 374 CO, en fonction de la valeur des travaux et des dépenses de l’entrepreneur. Le juge doit donc, en l’absence de convention, fixer le prix de l’ouvrage comme il fixerait les honoraires du mandataire, de manière à ce qu’il corresponde aux prestations fournies et qu’il apparaisse objectivement proportionné. Dans le contrat d’entreprise comme dans le mandat, sont déterminants les frais nécessaires à l’exécution des prestations convenues en matière de personnel, de matériel et de frais généraux et d’exploitation (consid. 5.1.1).
Intégration de la norme SIA 118 – Lorsque l’architecte calcule expressément ses honoraires en application de la norme SIA 118 dans sa facture finale, la contestation par le maître de cette facture sans remettre en question l’intégration de la norme SIA 118 mais uniquement les « critères de mise en œuvre » de la facture vaut acceptation tacite de l’intégration de la norme SIA. Une contestation de l’application de la norme SIA 118 au stade des plaidoiries finales est tardive, qui plus est alors qu’une expertise portant sur la note d’honoraires et se fondant sur la norme SIA 118 n’a pas été contestée (consid. 5.4).
Servitude; action en constatation du contenu d’une servitude; interprétation d’une servitude; art. 738 CC
Action en constatation du contenu de la servitude – Pour une action selon l’art. 738 CC visant à clarifier le contenu d’une servitude, la recevabilité d’une action en constatation doit en principe être admise, car il existe manifestement un intérêt au constat. En outre, certains estiment que si l’action est admise, il existe également un droit à ce que l’inscription au registre foncier soit complétée ou rectifiée. Dans ce cas, la rectification ne vise pas la création, la modification ou l’annulation d’un droit déterminé (art. 87 CPC), mais l’adaptation du libellé au droit déjà existant, tel qu’il a été constaté par le tribunal (consid. 1.2.2).
Interprétation d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 4.1). En l’espèce, faute d’inscription claire, il faut se référer au motif d’acquisition. Le droit de passage n’a pas été convenu dans un contrat de servitude, mais a été inscrit dans le cadre d’une procédure d’épuration que la commune a menée en 1933 pour établir les registres des immeubles et des servitudes. En conséquence, il convient de se référer aux documents fonciers correspondants (consid. 5.2). Il ressort des échanges de l’époque que la servitude avait pour but d’octroyer un droit de passage aux bâtiments ne disposant pas autrement d’un accès de plain-pied. Si la servitude est limitée à la partie du fonds dominant ne disposant pas d’un accès direct à la route, elle n’est pas limitée à la petite maison d’origine, mais profite également aux bâtiments qui l’ont depuis remplacée (consid. 5.5.2).
Servitude; vision locale portant sur l’exercice d’une servitude; art. 730, 737 CC
Vision locale portant sur l’exercice d’une servitude – Lorsque dans le cadre d’une vision locale, le juge constate que des piliers d’avant-toit n’empêchent pas l’exercice de la servitude, il n’est pas arbitraire de privilégier les observations effectuées de visu par le Tribunal au détriment des explications fournies par le propriétaire. Son interprétation est d’ailleurs renforcée, puisque la servitude litigieuse n'est pas vouée à être empruntée par de gros véhicules et que le propriétaire du fonds dominant se plaint du fait que la construction litigieuse ne permettrait pas l’accès à des engins de chantier, sans remettre en cause l’accès pour des véhicules usuels (consid. 3.3.2).